Le récit PTL et photos de SIMON

26-10-2010

Petite Trotte à Léon – PTL 2010

Autour du Mont-Blanc du 24 au 29 août

 

 

Il est ardu de rédiger un compte rendu chronologique pour une épreuve aussi longue et dense que la PTL. En effet, n’ayant pas pris de notes au fur et à mesure du parcours, la séquence et l’exhaustivité des événements n’est pas facile à reconstituer. Toutefois, je souhaitais sauvegarder mes principales impressions avant qu’elles ne s’évaporent par l’effet du temps.

 

Le plan

 

Décembre 2009, ma deuxième saison de trail se termine. Quelques belles épreuves en Belgique et l’apogée fin août lors de la CCC à Chamonix. Je pensais d’ailleurs que ce serait le sommet de ma vie sportive. Pourtant, j’avais mordu à l’hameçon et je fréquentais des gars chroniquement acharnés par la discipline. L’idée commença alors à circuler que nous nous lancerions bien dans la PTL, dès 2010. Le défi était de taille : plus de 2 fois la distance maximum que j’avais parcourue jusque là et plus de 3 fois le dénivelé positif de ma demi boucle autour du Mont-Blanc. Je m’estimais encore un peu trop inexpérimenté et j’appréhendais le caractère technique et aérien du tracé. Toutefois, l’enthousiasme débordant des autres protagonistes finit par me convaincre et à la veille de Noël, nous nous retrouvions à six chez Yves pour inscrire deux équipes : Born To Run 1 avec Jean-Marc (Jyhemix) et les 2 Pierre (Bowie et Tagliatelle) et Born To Run 0 avec Thomas (Morpheus), Yves (Fieu, dit aussi Chef) et moi. Début janvier, notre candidature était validée et l’aventure pouvait commencer.

Il fallait le préparer ce projet, et sérieusement. J’ai donc continué à courir beaucoup : le matin, le midi ou la nuit ; seul ou en groupe ; avec ou sans équipement… J’ai aussi multiplié les courses, tout en restant raisonnable (même si le qualificatif ne convient pas tout à fait). Une petite fissure à un ménisque a bien un peu ralenti mon ardeur printanière mais je pense que j’étais prêt à l’heure étant donné le temps (trop) limité que je peux dédicacer au sport.

 

La course

 

Vendredi 24 août, 15 heures : briefing du comité d’organisation. Un peu d’humour pour détendre les inquiets, quelques pâtes pour terminer de charger les batteries et il ne restait plus qu’à attendre le départ. Les minutes qui précèdent sont mises à profit pour faire monter l’adrénaline, prendre quelques photos d’ambiance, embrasser familles et amis. Il y a beaucoup de monde, parfois venu de loin spécialement pour l’événement. L’atmosphère est à l’euphorie. 22 heures, le peloton est lâché. Nous ne sommes qu’environ 200 mais dès les premiers mètres, nous perdons Pierre et Jean-Marc de vue. D’abord nous attendons, puis, les imaginant devant, nous décidons d’accélérer pour les rattraper. Nous avions décidé d’entamer la course ensemble mais nous ne le reverrons plus avant longtemps.

Le début du parcours est assez roulant, ensuite, nous grimpons au Col de Voza, que nous atteignons vers minuit. La suite est très agréable à travers forêts et hameaux (Bionassay, Champel, Miage). Thomas avait repéré les lieux et c’est donc sans erreur qu’il nous pilote. De plus, la pleine lune nous gratifie de sa clarté pour notre première nuit dehors. Les sentiers sont bons jusqu’à la montée de Tré la Tête qui est parsemée de gros cailloux et de racines, rendant notre progression plus chaotique. La descente sera du même acabit. Arrivés au refuge de Tré la Tête, nous décidons de continuer jusqu’au prochain, à la Balme, pour manger la soupe que le Chef attend avec impatience. L’option n’était pas judicieuse car l’établissement est fermé. C’est désolant sachant qu’il était partenaire de l’événement. Yves râle. Il est moyennement en forme et un peu à la traine en ce début d’épreuve. Nous montons donc plus calmement jusqu’au Lac Jovet avant d’attaquer un premier gros morceau, le Col d’Enclave. Le « sentier » emprunte un pierrier très raide et instable sur lequel il convient d’être particulièrement prudent pour ne pas balancer un caillou sur le suivant. Heureusement, le jour se lève, rendant notre marche moins hasardeuse. Thomas était volontairement parti sans ses bâtons et le regrette amèrement dans ce genre de dénivelé. La descente se déroule sous les premiers rayons du soleil et nous atteignons Les Mottets vers 8h30, pour déjeuner. Les gérants semblent complètement dépassés par les quelques clients inattendus. Ils n’ont pas l’air d’être au courant qu’ils vont avoir de la visite pendant toute la matinée et il faut 50 minutes pour obtenir deux bols de soupe et une omelette. Nous attendions pourtant ce moment de réconfort depuis longtemps.

Il est ensuite temps de repartir vers le Col de l’Ouillon. A nouveau la pente est très raide et les cuisses chauffent. Yves n’est pas au mieux et Thomas pleure toujours ses bâtons. La descente vers « Les Crottes » est assez facile à travers les pâturages à Beaufort mais la montée herbeuse qui mène ensuite vers le Col de la Forclaz est un véritable mur et il commence à faire chaud. Il reste alors une heure de descente pour atteindre le premier point de repos : le Col du Petit Saint Bernard. Il est 15 heures et nous avons parcouru 65 kilomètres. Nous y sommes accueillis par Monique, Christian et mes Parents qui nous proposent un bon pique-nique. Le Chef est décomposé et a besoin de repos. Je dois avouer que je suis également content d’y être et de prendre le temps de savourer un bon plat de pâtes offert par le restaurateur local pendant que mes équipiers profitent des lits de camps prévus par l’organisation pour s’allonger une heure. Thomas retrouve enfin ses bâtons. Malgré la forme éclatante qu’il tenait, il n’est pas mécontent d’en disposer pour la suite.

A 17 heures, nous repartons, à nouveau pleins de force et de courage. Nous avons 21 km au programme avant d’arriver au refuge Deffeyes où nous avions prévu de passer une partie de la nuit. La montée au Mont-Valaisan via le Col de  la Traversette se passe sans encombre. L’arrivée au sommet est un peu plus technique et assez amusante. Ensuite, les premiers mètres de descente vers l’Italie sont particulièrement escarpés et nous sommes bien contents de les affronter de jour et par temps sec. Petit à petit, nous nous apprêtons à attaquer notre deuxième nuit et celle-ci s’avérera beaucoup plus dure que ce que nous avions imaginé. Au moment de remonter vers le refuge, l’itinéraire se complique et nous nous égarons dans la pampa : tantôt bloqués devant un lac ou un ravin, tantôt désorientés à un carrefour, nous allons perdre beaucoup de temps et d’énergie sur ces quelques kilomètres de « jardinage ». Le sentier enfin retrouvé, c’est un véritable calvaire qui commence. Notre résistance et notre moral s’amenuisent encore lorsque nous apercevons un panneau indiquant notre but à plus d’une heure. Nous nous trainons lamentablement et je commence à être victime d’hallucinations. C’est très étrange. Je vois la lune s’agiter et me sourire, les arbustes se transforment en enfants sur le côté du chemin, les nuages prennent l’apparence de sorcières volant sur leur balai, ... Le Chef, lui, ne rêve plus qu’à deux choses : une bière et un lit. Il est finalement 2 heures du mat’ lorsque nous arrivons au refuge.  Nous avons parcouru 86 km en 28 heures, sans dormir, sauf peut-être un peu debout. Malgré l’heure tardive, il y a pas mal d’effervescence : va-et-vient continuel d’équipes arrivant ou repartant. Nous commandons des bières, des soupes, du pain et même des pâtes pour moi. Je mangerais une vache. A 3 heures nous nous couchons et le sommeil est étonnement profond alors que le confort est précaire et que nous sommes entourés de ronfleurs. A 6 heures, une montre sonne. Merde, c’est la mienne !

Curieux comme trois petites heures de sommeil peuvent nous revigorer. Le déjeuner est rapidement dévoré et nous repartons vers 7 heures en destination du Pas de Planaval (3.006 m). La montée est magnifique, en bordure du glacier du Ruitor. Quelques passages câblés et un éboulis de gros rochers nous amènent au col sous les premiers rais de lumière. Le grand chef de la PTL, Jean-Claude Marmier, nous attend en personne. Il y a passé la nuit afin de conseiller chaque équipe. Un long névé descend sur plusieurs centaines de mètres et nul ne peut quitter la juste trace sans un rappel à l’ordre du maître. Le passage est très gai. Yves y découvre les joies de la glisse. Le soleil est très vif et nous devons ôter quelques couches pour supporter la chaleur qui nous attend dans le Val d’Aoste. La vue est absolument magnifique et nous dégringolons tranquillement vers Morgex (944 m), deux petits cols venant néanmoins titiller les muscles de nos cuisses.  A quelques kilomètres du village, nous croisons Nathalie, Marie et Vincent, venus à notre rencontre. Nous terminons la descente en leur compagnie et sommes accueillis au gymnase par Claire, Yves, Tagliatelle et à nouveau, Monique et Christian. Il est 14h30 et nous avons parcouru 112 km. Nos accompagnants ont gentiment prévu des chips et de la bière pour l’apéro. Nous bénéficions également d’une bonne douche et l’organisation nous a préparé une excellente lasagne dont je reprends une seconde part. Cela me change des Grany-noisettes dont je me gave depuis presque deux jours. Nous profitons largement de ce retour à la civilisation et repartons vers 16h30, sous les encouragements de tous nos amis désormais rejoints par Jean-Marc qui a stoppé sa course au Mont Valaisan.

Le démarrage sur le bitume surchauffé est un peu éprouvant. Le thermomètre annonce 33°C à l’ombre. L’idée est même passée un instant par ma petite tête d’abandonner ma veste à Morgex. Le Chef m’en dissuade et la suite lui donnera parfaitement raison.

Vincent nous accompagne pendant une petite heure et puis nous laisse poursuivre. La montée au Col Fetita est longue de près de 11km, la première partie sur un chemin facile, la suite à travers l’alpage jusqu’à une prise d’eau située sous le sommet où nous pouvons remplir nos bidons et nous préparer pour la nuit. Le soleil se couche et la lune se lève. Nous bénéficions encore d’une bonne clarté. La traversée vers le Col Citrin se déroule sur un chemin, parfois très mal défini, à flan de colline. Les chevilles doivent faire preuve de pas mal de résistance et de souplesse. Au col, nous amorçons la longue descente (8 km) vers la vallée du Grand Saint Bernard. La fatigue commence à nouveau à se faire sentir et l’équipe française (Sylvain et Jérôme) qui nous suivait décide de se reposer aux Chalets de Citrin. Nous continuons, mais soudain, Thomas, comme d’habitude en tête, s’arrête brutalement, pris de panique. Il aperçoit un petit gars à capuche qui le dévisage. C’était en fait une pierre marquée de la flèche jaune de balisage. Encore ces hallucinations !

Peu avant la vallée, nous sommes déviés vers une source d’eau ferrugineuse naturellement pétillante soi-disant délicieuse. Nous y goutons par curiosité mais ne sommes pas séduit par le goût.

Nous arrivons à Saint-Oyen peu avant 1 heure du matin. Notre déception est grande de tomber sur la porte close de l’hôtel annoncé par l’organisation. Il aurait fallu être là avant 23h. Nous nous asseyons près d’un lavoir pour nous restaurer et réfléchir à notre tactique de course : dormir à la belle étoile ou prolonger jusqu’au Grand Saint Bernard ? La décision est difficile. Quelques équipes nous rejoignent et restent aussi dans l’expectative. Finalement, nous repartons, mais une nouvelle galère commence. Il faudra 5 heures pour accomplir les 10 km qui nous séparent de notre but et de nombreux arrêts « micro-sieste » auront ponctué notre chemin de croix. Il fallait d’abord grimper au Col Barrasson (2.679m) avant de descendre vers l’hospice par un énorme pierrier instable que plusieurs concurrents hésitaient à franchir tant cela paraissait dangereux dans la pénombre du petit matin. A quelques centaines de mètre de l’étape, Thomas nous fait même la surprise de s’endormir une minute en chien de fusil sur un rocher. Son pseudo prend alors tout son sens. Nous sommes au bout du rouleau lorsque nous entrons dans l’hôtel vers 7h. Nous sommes au 146ème kilomètre. Nous commandons une casserole de soupe et nous dirigeons vite vers notre dortoir pour 2 heures de sommeil bien mérité.

Le ciel a profité de notre assoupissement pour se déchainer et nous sommes réveillés par un SMS de Bowie qui annonce l’interruption de la course. Ce serait une petite catastrophe. Mes 2 équipiers se lèvent brusquement pour aller aux nouvelles. Fausse alerte : certaines équipes retardataires sont bien déviées mais nous sommes autorisés à continuer. Nous avalons une autre marmite de soupe et partons à l’assaut de la Pointe de Drône. Yves est inquiet car la pluie est battante, la température très fraiche et nous devons monter à près de 3.000 mètres. Heureusement, je dispose d’une bonne veste imperméable. Merci Chef ! Par chance, le temps se calme au fur et à mesure de notre ascension. L’éclaircie était la bienvenue car ce passage n’était pas pour les p’tits slips comme disait Thomas. Ce fut une succession de câbles et d’échelles sur une arête parfois relativement étroite et raide. Il aura fallu à cet endroit environ 3 heures pour parcourir 4 kilomètres. Quelle moyenne !

La traversée vers les Lacs de Fenêtre et le Col d’Arpalle est jonchée d’énormes blocs, très difficiles à franchir avec nos jambes raides et fatiguées.

Dans la montée vers le Col du Nevé de la Rousse, je reçois un appel de Bowie. Il est toujours en course mais aiguillé directement vers Bourg-Saint-Pierre où il pense nous rejoindre en soirée. Bonne nouvelle, les « Born to Run » pourront ainsi terminer la course ensemble. Il nous reste encore à gravir la Pointe des Gros Six où un vent soutenu balaie violement nos visages. Il y a encore beaucoup de cailloux dans le début de la descente. Un peu trop à notre goût. Cela aura vraiment été la journée minérale. Les derniers kilomètres en direction de Bourg-Saint-Pierre sont nettement plus aisés, un peu monotones même, mais l’idée d’atteindre une confortable étape nous tonifie. Mes coéquipiers seraient prêts à courir mais je préfère préserver mes genoux car il reste un bout de chemin jusqu’à l’arrivée. En plus, rien ne presse puisque Pierre est derrière nous et que nous avons rendez-vous avec lui à Bourg. Nous aurons parcouru 20 km en 8 heures et il est 19h lorsque notre journée se termine. Bowie n’est pas encore là et nous l’attendrons afin de repartir ensemble le lendemain.

Nous passons à table : potage et spaghetti bolognaise. Le patron, conscient que nous sommes fourbus, propose un accueil vraiment très chaleureux. Le Chef a très soif et nous buvons de la Cardinal par demi-litre. Le dortoir est complet et nous nous offrons donc le luxe d’une chambre d’hôtel. C’est vraiment la fête ce soir. Pierre entre triomphalement vers 21h30 et nous accompagnons son repas avec une nouvelle bière. Il est presque minuit lorsque nous rejoignons nos pénates : Thomas et Pierre sur les lits, Chef et moi sur des paillasses de fortune à même le sol mais un rien nous satisfait. La pause est au total particulièrement longue puisque nous ne quitterons les lieux qu’à 4h30 mais ce fut un joyeux moment de retrouvaille et de décompression.

Le mauvais temps ayant forcé l’organisation à court-circuiter le Col de Lâne et le Mont Rogneux, nous nous dirigeons vers la Cabane de Mille par l’alpage de Cœur. En dénivelé et difficulté, c’est certainement un gain. J’ai néanmoins un peu de mal à trouver mon souffle en début de côte. Nous arrivons à la cabane vers 7h45, escortés par pas mal d’équipes, et nous y déjeunons. Trois quarts d’heure d’arrêt plus tard, nous grimpons le Mont Brûlé puis redescendons vers Orsière. La brume du matin laisse progressivement la place à quelques fenêtres de ciel bleu et nous nous permettons l’option course, lente bien sûr mais course quand même. Cela fait du bien de changer de rythme et nous avalons les kilomètres assez rapidement jusqu’au fond de la vallée. Soudain, à l’entrée du village, appel de Jean-Marc : ils sont à Orsière en même temps que nous et nous nous retrouvons pour quelques minutes d’accolades devant le porche de l’église. Sont avec lui : Monique et Christian, Tagliatelle, les Truyens et mes Willems. Boostés par cette rencontre inopinée, nous engloutissons les 500 mètres de dénivelé qui conduisent à Champex en moins de 50 minutes. La base de vie UTMB est en vue vers midi. L’endroit est particulièrement calme suite aux diverses annulations de courses. Nous y retrouvons Yves et Claire.  Tagliatelle est aux petits soins pour nous ravitailler et préparer nos sacs. Les enfants, très enthousiastes, participent également à leur façon à notre bien-être : soupe, pâtes, pain, bière, biscuites… Nous sommes au 200ème kilomètre de notre périple (peut-être un chouïa de moins dû au changement de parcours). La forme est bonne et pour la première fois, on commence à parler d’arrivée.

13h22, après une séance de photos avec Léon, nous entamons le dernier tronçon sous les encouragements de nos supporters. C’est le Col de la Fenêtre d’Arpette qui s’offre à nous, dernière grosse difficulté de l’aventure que Vincent se propose de parcourir avec nous jusqu’au Chalet du Glacier. La première partie emprunte un joli chemin en bordure de torrent. Ensuite, c’est un terrible exercice de step qui est au programme, avec des marches de géant qui, malgré mes longues jambes, éprouvent particulièrement les muscles. Malheureusement, nous sommes noyés dans le brouillard et ne profitons du magnifique spectacle ni à la montée, ni à la descente. Il fait même assez froid et venteux au sommet où nous ne nous attardons guère. La descente est identique à la montée et sollicite encore pas mal nos cuisses. Jean-Marc nous rejoint à quelques hectomètres du Chalet du Glacier. Celui-ci est déjà fermé. Etonnant un samedi d’août en fin d’après-midi quand on est établissement partenaire. Christian et Tagliatelle sont toutefois encore là pour nous ravitailler car il reste 3 heures de marche pour atteindre le Col de Balme et j’ai toujours aussi faim mais c’est une bonne maladie. Etant encore en bonne condition, nous pensions être plus rapides que l’horaire annoncé et la côte initial est négociée en moins d’une heure jusqu’à la cabane des Grands. Le chemin qui aboutit au refuge nous surprend un peu par son aspect vertigineux. En effet, il s’agit d’une terrasse en béton suspendue à la très verticale paroi de granit. Le Chef en était tout retourné : « Même pas sur le road-book ce passage !!! ». Les quatre kilomètres qui mènent ensuite au refuge de Balme nous semblent par contre interminables. Ils présentent très peu de dénivelé mais sont une succession de pierres, racines, rochers, courtes montées, étroites descentes, … Le refuge apparait enfin et un dernier petit arrêt sera le bienvenu avant le sprint final.

La pause devait être courte et chacun choisit un sandwich, sauf moi. Je succombe à la délicieuse odeur de l’omelette au lard que je commande avec une bière. La douce chaleur de la salle à manger contraste avec la fraicheur de la nuit naissante. Bowie et moi, premiers attablés, sommes finalement d’accord qu’il est préférable de profiter d’une dernière bonne soirée en montagne et de postposer notre arrivée au lendemain matin. En plus, l’horaire sera plus convenable pour nos accompagnants. Le Chef est vite convaincu. Thomas le sera finalement aussi. Comme l’a dit Pierre : « C’est çà aussi la PTL » et chacun reprend une bière, puis une omelette, puis une tartelette aux myrtilles. Contrairement aux rumeurs véhiculées dans la vallée, l’accueil est excellent. Yves et surtout Thomas sympathisent même avec la gérante. Elle est presque née sur place et a pas mal de choses à raconter sur l’évolution du tourisme dans la région. Nous allons ensuite nous coucher  dans un dortoir bien rempli pour dormir quelques heures avec l’ambition de quitter l’endroit vers 2h.

La mise en route est rude car la température est glaciale. Il a bien gelé à cette altitude. Heureusement, les premiers kilomètres sont faciles vers le Col des Posettes et la descente vers Tré-le-Champ. De là, il faut remonter une dernière fois, par les équipements métalliques de la barre rocheuse de Chéserys vers La Tête au Vent. Cette succession d’échelles sur quelques centaines de mètres est assez éprouvantes pour les jambes. Au sommet, nous retrouvons le flux des concurrents qui en terminent avec l’UTMB bis. Nous sommes un peu surpris car nous nous étions habitués à la solitude.

A partir de là, Bowie n’avance plus très vite. Ses cuisses sont tétanisées et chaque portion de descente le fait souffrir. Pas de chance pour lui, il n’y a quasiment plus que du dénivelé négatif au programme et il va vivre un véritable calvaire pour ses derniers kilomètres qui auraient dû être jubilatoires. La Flégère-Chamonix prendra donc beaucoup plus de temps que prévu et nos supporters trépignent d’impatience sur la ligne d’arrivée. Nos GSM ne cessent de sonner. Nous annonçons 8h, puis 8h30, ensuite 9h et c’est finalement à 9h10 que nous franchirons la ligne.

Quelle arrivée ! Nous avions décidé de la retarder pour mieux la savourer et nous avons bien fait. Le dilemme était  de terminer plus vite mais en pleine nuit ou d’entrer joyeusement dans Chamonix sous le soleil et en présence de nos accompagnateurs. Une longue discussion a été nécessaire pour fixer notre choix mais le moment magique que nos familles et amis nous ont offert restera à jamais gravé dans nos mémoires. Acclamations, applaudissements, accolades, rires, pleures, champagne, … Tout avait été réuni pour nous faire vivre un instant Olympique. Merci à Tous.

Était alors venu le temps du réconfort, entourés de nos proches, à boire quelques bières et manger du saucisson.  Une après-course comme cela vaut bien une partie des efforts consentis pour y arriver.

Le défi était pour moi colossal. Il y a eu de bons moments qui nous donnent déjà envie de recommencer et bien sûr des passages plus difficiles que nous ressassons en rigolant. C’était vraiment une aventure formidable que nous avons eu énormément de chance de vivre ensemble. Ce ne fut possible que grâce à l’esprit de mes co-équipiers. Je leur serai toujours infiniment reconnaissant de m’y avoir entrainé.

 

 

 

A Nathalie,

A Marion, Victor et François

Merci

 

 

 

Simon, le 20 septembre 2010