Récit de la CCC par SIMON

27-10-2009

Prologue

L’idée à germé en décembre 2008. Jean-Marc, Yves, Georges et d’autres me racontaient depuis quelques temps leurs expériences à l’UTMB ou sur d’autres ultras en Belgique. Je les écoutais toujours avec grand intérêt et un peu rêveur, estimant ce genre d’épreuves au-delà de mes capacités. Ma participation à la Bouillonnante, en avril 2008, avait déjà représenté un ambitieux défi, réalisé avec succès mais aussi pas mal de peine. Fin novembre, s’est donc Olne-Spa-Olne qui fut le véritable détonateur de mon projet. Distance parcourue dans un délai raisonnable (7h23) et sans conséquence douloureuse sur mon organisme. De plus, j’avais pris goût à ce genre d’effort. J’avais ainsi accumulé deux points qualificatifs m’ouvrant les portes de Chamonix pour 2009 et je pouvais tenter ma chance au tirage au sort sélectionnant les heureux participants aux différentes épreuves en me disant que si ce n’était pas cette année, ce serait la suivante. La nouvelle tomba début janvier : l’engouement n’ayant pas été aussi populaire que prévu, tous les candidats étaient partants. Alea jacta est.

A partir de là, il fallait planifier un programme afin que l’objectif puisse se réaliser dans les meilleures conditions. J’établissais donc un calendrier des courses préparatrices : ce serait l’Elchertoise (47 km) en mars, les Vallées du Chevalier (63 km) début mai, les Sentes de Légendes (101 km) fin mai et le trail du Val d’Heure (56 km) en août. Cet agenda progressif, combiné à nos vacances en montagne en juillet et une mise au vert en altitude quelques jours avant la course devraient constituer une bonne mise en jambes.

L’événement

Arrivé la veille de la course en famille, nous débarquons au Refuge Michel Fagot, chez Boudou, aux Houches. L’endroit est envahi de Coureurs Célestes ce qui crée une ambiance conviviale et chaleureuse. Une promenade à Chamonix pour prendre la « température » et les formalités de contrôle remplissent tranquillement l’après midi. L’esprit est déjà orienté sur le périple du lendemain. La soirée est consacrée à faire le plein de sucres lents et à la préparation de l’équipement. Nous nous couchons tôt mais la nuit est perturbée par un stress inconscient qui ne laisse que trop peu la place au sommeil.

A 5h45, le réveil retenti. Nous devons être à 6h30 à Chamonix pour prendre le bus vers Courmayeur. Les enfants se demandent quelle mouche m’a piqué mais suivent docilement, à moitié endormis. Le trajet est rapide sous le Gros Caillou Blanc et nous prenons le petit déjeuner en famille dans un bistrot du centre, particulièrement animé pour l’occasion. L’heure H approche et je me dirige calmement vers le box de départ où je m’installe, ni en tête, ni en queue. Briefing et musique terminent d’échauffer concurrents et spectateurs, il est 10 heures, c’est parti.

Une petite route sinueuse nous mène en peloton serré jusqu’à Planpincieux. Je trottine doucement. C’est ensuite la montée vers Bertone par un petit sentier pas trop pentu mais là … je marche. « Qui va piano va sano » et il reste plus de 90 km. Le soleil est bien présent, je me couvre le crâne.

Bertone (1989m): 12,3 km, 1h46’, 534ème

Je ne m’y arrête presque pas. Juste le temps de boire un coca et c’est reparti pendant 4km sur un sentier beaucoup plus raide, en tout cas sur la première portion, jusqu’à la Tête de la Tronche, toit du parcours, 2584 m. Je monte en marchant, comme tout le monde, et les dépassements commencent à être possibles car le peloton s’étire. L’endroit et la vue sont magnifiques. Seuls quelques nuages nous empêchent de distinguer clairement le Mont-Blanc. Première descente, les jambes sont encore légères mais je reste prudent pour ne pas me fatiguer et surtout ne pas me blesser.

Reguge Bonatti (2020m) : 21,8 km, 3h27’, 401ème

Arrêt court encore cette fois-ci. Je recharge ma poche à eau et repars. Le sentier longe le flan de montagne puis descend rapidement vers Arnuva.

Arnuva (1769m) : 26,2 km, 4h13’, 358ème

Nous sommes au fond de la vallée, dernier point accessible en voiture, Nathalie et les enfants m’attendaient et m’acclament. Les Houssa sont là également. Je fais le plein d’eau, je mange quelques friandises et profite du moment pour discuter avec les enfants : « Dépêche-toi Papa, tout le monde te dépasse ». Après quelques minutes, je quitte mes supporters jusqu’au lendemain. Je vais bien : pas encore de fatigue et mal nulle part. Il fait très chaud (environ 30°) et c’est l’ascension du Grand Col Ferret qui est maintenant au programme. Le début est très raide et le rythme très lent. En plein cagnard, je crains que mon estomac se plaigne si je le mets à trop rude épreuve. Quelques uns me dépassent mais pas mal de concurrents s’arrêtent, l’air hagard, le visage décomposé. Je continue à mon train de sénateur en préretraite jusqu’au sommet. Un ou deux filets d’eau fraiche sont les bienvenus pour me permettre de m’éponger et de me refroidir la tête.

Grand Col Ferret (2537m) : 30,7 km, 5h40’, 389ème

1h22’ pour 4 km. Ouf ! C’était dur mais c’est passé. La frontière aussi est franchie, nous sommes maintenant en Suisse. Je me retourne une dernière fois pour contempler l’Italie, puis me laisse débouler vers la vallée. Je m’aperçois que même en descente, ce n’est pas facile d’aller vite. Les sentiers ne sont pas si roulants et je préfère rester prudent, le but étant d’aller au bout. Nous passons au hameau de La Peule, au milieu des alpages. Ensuite, la pente s’accentue et les quadriceps commencent à chauffer. Par contre, le soleil décline et nous traversons régulièrement des zones d’ombre qui me font du bien.

La Fouly (1593m) : 40,1 km, 6h58’, 390ème

Un chapiteau accueillant abrite le ravitaillement. J’y resterai 7 minutes. Pour la première fois, je m’offre une soupe aux vermicelles. Ensuite, un coca et quelques friandises salées et sucrées et je suis prêt à continuer la descente. Encore 10 km qui me paraissent très longs jusqu’à Issert (1055 m). Nous recevons des encouragements en provenance de la terrasse d’un café. C’est l’heure de l’apéro et l’ambiance à l’air bonne mais la montée vers Champex se profile et j’aimerais y arriver avant la nuit. Dans la côte, je discute quelques minutes avec un membre du club « Malheur », une bière de la région de Buggenhout qui sponsorise des sportifs. Intéressant. Les contacts sont finalement rares entre les coureurs. J’arrive au village vers 19h15.

Champex-Lac (1477m) : 54,7 km, 9h15’, 371ème

Il y a beaucoup de monde sous le chapiteau : des coureurs mais aussi des accompagnateurs. C’est le rendez-vous de la mi-course. J’avais prévu de m’y arrêter et j’en profite. Je m’assieds (enfin !) à table et mange deux bols de soupe, une assiette de pâtes, bois un coca. Je passe aux toilettes. Je soigne mes talons car un début d’ampoule apparaît (les compeed ne tiendront finalement que quelques kilomètres). Je remplis ma poche d’eau et mon bidon avec de l’eau dans laquelle je précipite une pastille Isostar (outre le fait que c’est mauvais, il s’avère que cela provoque le brulant ; je vais m’en débarrasser). Je resterai finalement 40 minutes au ravitaillement et cela m’a vraiment fait du bien. Il fait encore clair et je suis fin prêt pour attaquer Bovine dont Jean-Marc me parle depuis des semaines avec tant d’insistance. Mais Bovine se fait attendre. Il faut d’abord contourner le lac, puis descendre lentement (environ 200m D-) à travers bois pendant quelques kilomètres jusqu’au pied de la côte. Maintenant, il fait noir et j’allume ma lampe frontale. Nous sommes un petit groupe et le rythme me semble bon. La montée est assez technique avec ses gros cailloux et ses racines mais je monte sans difficulté. Par contre le brouillard apparaît à l’approche du sommet et cela me donne un peu le tournis, comme un mal de mer. Je suis bien content d’arriver au ravitaillement car je ne me sens pas en forme.

Bovine (1987m) : 64,0 km, 11h51’, 370ème

Je m’éclipse d’abord à l’écart derrière la tente pour un gros besoin urgent. Ensuite, j’appelle Nathalie pour lui souhaiter une bonne nuit. Les enfants dorment après cette longue et fatigante journée. Pour me requinquer, je m’offre encore une petite soupe. C’est vraiment la clef de mon alimentation. Je vais beaucoup mieux. Je change de tee-shirt et peux repartir après cette pause inattendue d’environ 20 minutes. Le chemin remonte un peu et puis descend vers le col de la Forclaz et Trient. Je trottine lentement.

Trient (1300m) : 70,1 km, 13h26’, 420ème

Je ne m’en étais pas rendu compte, mais mon arrêt prolongé à Bovine m’a fait perdre pas mal de places au classement. Pas très grave puisque l’objectif est ailleurs. Malgré l’heure tardive (minuit approche), le village est encore très animé. Je m’arrête encore une dizaine de minute pour une nouvelle soupe. Mes réserves d’eau sont suffisantes et je continue. La montée vers Catogne est raide mais régulière. Au sommet (2011 m), nous retrouvons le brouillard et un crachin glacé nous tombe sur le dos. Brrr ! Cela change de la canicule de l’après-midi. Ensuite, la descente vers Vallorcine me semble particulièrement raide et chaotique. J’ai mal aux jambes et aux pieds. La démarche devient moins sûre et le rythme ralentit encore. C’est dans un village somnolant que nous arrivons.

Vallorcine (1260m) : 79,6 km, 16h12’, 399ème

Les conversations commencent à aborder le sujet de l’arrivée qui approche et c’est encourageant. Je m’octroie encore 6 minutes de pause et une dernière soupe puis je repars vers le Col des Montets. Le chemin est large et la pente douce mais je préfère marcher tout en grignotant les biscuits que j’ai emportés. J’appelle J-M pour lui annoncer mon arrivée (il a prévu de venir me rejoindre à La Flégère). Ensuite, c’est l’ascension vers la Tête au Vent. Cette côte fut une surprise pour moi. Personne ne m’en avait parlé et c’est celle que j’ai trouvée la plus technique : succession d’énormes rochers à grimper à grandes enjambées. Et soudain, deux courageux bénévoles, debout près d’une petite tente igloo, emmitouflés dans leurs vêtements polaires m’indiquent enfin le sommet (2130m). Il est 4h30 du matin et il fait caillant. Je me décide donc à enfiler ma veste. Les contrôleurs, pour m’encourager, m’annonce La Flégère à 20 minutes en descente. Il me faudra 53 minutes pour y arriver. Ce fut le passage le moins agréable de mon parcours. La visibilité était très faible et les rochers devenus patinoire à cause de l’humidité ambiante. Tout d’un coup, c’est la glissade et je m’étale de tout mon long sur la roche. La chute est douloureuse mais heureusement sans gravité. Je poursuis mon chemin en redoublant de prudence, franchissant même certains passages sur le cul.

La Flégère (1877m) : 90,6 km, 19h22’, 378ème

Cette dernière partie m’a vraiment refroidi et j’ai mal au coude suite à ma gamelle. J’aspire au lever du jour avec impatience pour pouvoir profiter un peu plus de ma course. Je traine un peu sous la tente et bois 2 derniers cocas pour la route lorsque Jean-Marc arrive. Nous descendons ensemble vers la vallée. D’abord prudemment car le chemin est difficile ensuite, à partir du Chalet Floria, je me sens pousser des ailes et c’est à vive allure (c’est en tout cas l’impression que j’avais) que nous déboulons dans Chamonix. Nous dépassons de nombreux concurrents jusqu’à la ligne d’arrivée. L’assistance est discrète mais le moment mémorable. C’est gagné.

Chamonix (1035m) : 97,8 km, 20h40’, 364ème

On m’offre un thé chaud, je l’accepte mais la canette de bière fraiche qui suit me fait nettement plus plaisir. Je mange un peu de pain et de fromage. Je suis bien. Je ne recommencerai pas tout de suite mais je reviendrai certainement un jour. Les quelques moments difficiles (Grand Col Ferret, sommet de Bovine, tronçon Tête au Vent-Flégère) auront été vite effacés et ce ne sont que des souvenirs inoubliables qui me resteront. Les deux Pierre boucleront également leur défi, l’un la CCC et l’autre l’UTMB. Quel succès !

Merci à Nathalie, Marion, Victor et François pour m’avoir accompagné et soutenu. Merci à Jean-Marc pour m’avoir glissé cette aventure dans la tête et pour m’avoir suivi de près ou de loin jusqu’à l’arrivée. Merci à mes nombreux supporters téléphoniques qui n’ont pas beaucoup dormi: Moule, Helen et Hervé, Yves, Claire et Yves, Thomas et Manu. Merci aussi à Manu qui est le premier à m’avoir donné goût au jogging il y a quelques années. Merci aux organisateurs et bénévoles, c’était parfait.

Félicitations à tous les participants, finishers ou non.

Simon

Mignault, le 6 octobre 2009