Mon CR de La Grande Corsa Bianca

26-01-2016

CR de mes aventures italiennes -:)

Je me souviens, j’avais 8 ans, c’était un 24 décembre, pendant que ma maman préparait le repas de Noël et veillait sur mon bébé de frangin, Stéphane, mon papa nous emmena Philippe, le cadet de la famille et moi faire une promenade « blanche » dans les bois voisins. Depuis, le moindre flocon me met en émoi, depuis les livres des aventuriers du « Grand Blanc » jonchent le bord de mon lit.
Courant septembre 2015, j’erre sur le net à la recherche d’une aventure hivernale. La Rovaniemi race me titille depuis quelques temps déjà. Deux distances possibles, 150 et 300kms. Si j’entre dans les critères d’inscription pour la plus courte distance, la plus longue nécessite une participation préalable à une course qualificative. Elles sont peu nombreuses, mais là, surprise, un nom m’interpelle : LA GRANDE CORSA BIANCA : mon sang ne fait qu’un tour, une course blanche en Italie… immanquable !
Les récits de Pablo, Nicola et quelques autres participants 2015 achèvent de me convaincre.
J’en parle à Claire qui comme toujours m’encourage à y aller. J’ai vraiment, beaucoup, beaucoup de chance de l’avoir auprès de moi, ses encouragements sont ma plus grande force.
J’envoie un dossier de participation qui me revient avec un avis favorable quelques jours plus tard.
Concernant l’organisation je n’ai aucun doute sur les compétences de Marco Berni et ses amis.
Marco, 5 participations à l’IDITAROD TRAIL INVITATIONAL en Alaska figure parmi les 4 personnes au monde ayant bouclé les 2 longues distances 560 et ….. 1800kms !!!!!
Leur ambition est de créer dans les Alpes italiennes un long parcours comme on les trouve depuis quelques années dans les contrées du Grand Nord.
Comme sur l’Iditarod, 3 moyens de locomotion sont proposés : ski, fatbike, ou à pieds pour boucler les 160kms et 6000D+, le choix d’une des disciplines étant définitif.
Mercredi 20 janvier, Ponte di Legno, veille du départ. Je suis nerveux et anxieux. Certes je n’en suis pas à ma première expérience en montagne et mes participations aux Tor des Géants et à la PTL devraient me rassurer un peu. Rien n’y fait, ici, les conditions sont tout autres et la crainte d’un jardinage dans le froid extrême et un éventuel brouillard ne cesse de me faire gamberger !
Jeudi 14h00, briefing. Les températures négatives extrêmes de ces derniers jours obligent les organisateurs à modifier le parcours, rendu impraticable par endroit par un verglas tenace. Modification également au niveau du matériel obligatoire, crampons et casque sont de rigueur. Un peu rassuré cependant : pas de brouillard prévu et balisage parfait me dit Gian Luca qui a participé à la première édition l’année dernière.
Jeudi, 16h00, le départ est donné, la pression redescend enfin. Qui andiamo. Je retrouve mon calme et aborde sereinement la première longue ascension sur une piste de ski. En haut les conditions de neige deviennent plus compliquées et me font regretter de ne pas avoir emportés les raquettes. Le choix de les prendre, ou non, fut difficile, mais j’optai pour éviter ces +/-2 kgs supplémentaires (je ne suis pas loin de 11kgs sur le dos). Gian Luca me rassure de nouveau, passé cette portion difficile, les raquettes seront moins nécessaires par la suite. 18h00, la nuit tombe et sera longue, très longue jusqu’à l’apparition du jour à 7h00. J’évoluerai, par choix, seul la plus grande partie de la course, j’adore ces moments de solitudes nocturnes. Les ravitos, parfois espacés de 5h00, seront cependant les bienvenus et l’occasion de faire connaissance, malgré mon italien élémentaire avec les autres participants. Je serai particulièrement impressionné par la progression des cyclistes et skieurs. Peu à peu, je prends mes marques et m’habitue à cette difficile progression dans la neige rendant les appuis fuyants et la recherche d’équilibre permanente. Vu les circonstances météo de cette année, ma préparation « neige » s’est résumée à une seule sortie d’une heure, mais je sens que je suis en bonne forme et la confiance règne. Pas d’euphorie néanmoins, la route est encore très longue et les « coups de mou » inévitables. Par ces températures, pas question de se poser, avancer, toujours avancer, quel que soit l’allure. J’apprendrai par la suite qu’à certains endroits nous avons atteint les moins 20 degrés.
Les paysages somptueux apparaissent au grand jour, cette région est MAGNIFIQUE, comme dans mes rêves.
Le chemin qui mène à Malga Valgrande et sa splendide vallée est parsemé de plaques de verglas, la prudence est de mise. Cette portion sans grand dénivelé me semble interminable, premier gros « coups de pompe », pas fâché de reprendre vigueur à l’intérieur de cette petite baita. Et il faudra bien ça, la partie qui va suivre va s’avérer être particulièrement difficile : 700 mD+ dans une neige profonde sur chemins pentus et techniques. Je n’envie cependant pas mes amis skieurs et encore moins les cyclistes. L’ultima salita ripida n’en finit plus et s’est en m’enfonçant jusqu’aux genoux dans cette neige crouteuse que j’atteins, lessivé, Malga Salina 83 kms, 2130 alt. Là, les bénévoles nous expliquent la suite des festivités. Vous rejoignez le prochain contrôle situé à 20kms, rejoignez le poste au Lago Mortirolo et revenez repointer ici de nouveau, soit 40kms A/R. J’entame donc la descente, agrémentée, ça et là, de petites remontées. L’idée de devoir refaire le chemin en sens inverse me sape un peu le moral, mais bon, tu as voulu y venir….. tu y es, arrête de gindre !!! Les SMS d’encouragements me font du bien, MERCI LES AMIS.
Après quelques temps (mais quel temps ?) je croise un coureur qui remonte. Combien de km jusqu’au ravito ? 2 à 3 me dit-il. Ouf, ça va aller bientôt une petite halte, la nuit commence à tomber. Les minutes passent un nouveau coureur remonte, même question…mais pas la même réponse : 10 kms. Aie, la claque ! Avancer, il faut avancer…. Bis repetita, cette fois ce sont 2 coureurs qui me tracent le parcours avec un de leurs bâtons dans la neige et m’annonce plus de 10kms !!! Il me faudra 5h20 pour ces 20kms et atteindre Baita Guspesa. Là, instant magique, 3 dames bénévoles sont aux petits soins pour nous. Un savoureux minestrone « maison » me requinque. Un instant qui vous fait oublier tous les efforts du monde. Merci Mesdames.
C’est reparti pour un demi-tour, direction Lago Mortirolo d’abord. J’avance, j’avance, mais toujours pas de lac !!!! Gros moment de doutes, pour la première fois j’envoie un sms à Claire, je crains avoir raté le pointage, mais suis néanmoins certain d’être sur le chemin du retour. J’ai parcouru déjà pas mal de chemin depuis la dernière signalisation du Lac et ne compte pas faire demi-tour. Claire m’explique que visiblement ce pointage a déjà posé problème à d’autres. Je poursuis mon chemin, l’envie de m’arrêter quelques instants me tenaille, mais il faut lutter, trop froid, trop risqué. Le sac de couchage emporté n’est à utiliser qu’en cas d’extrême urgence. Soudain, une indication, Lago Mortirolo, point de contrôle, me voilà rassurer. Je pointe et repars aussitôt, regonflé à bloc. Ce moment d’incertitude m’avait pompé pas mal d’énergie, je comprendrai plus tard en analysant la trace sur mon PC, l’existence de 2 lacs et d’un quiproquo avec les 2 coureurs croisés auparavant.
Gonfler à bloc mais le chemin du retour me semble plus long. Le refuge Malga Salina aurait-il été déplacé, brulé, évaporé ? Enfin le revoilà. Il reste 20 kms pour rejoindre l’arrivée et Ponte Di Legno.
On nous annonce 10 kms de neige et 10 kms de chemins très verglacés, mais souvent, j’ai la dernière ligne droite qui me donne des ailes. Je repars à 2h45 dans l’espoir d’en terminer vers 5h30 – 6h00. Verglacés, ils ont dit verglacés…je mettrai un peu moins de 5h00 pour parcourir ces 20 derniers kms en descente ! Je rejoins Marco Galetto, avec qui j’ai fait brève conversation dans les refuges. Connu, pour ses multiples enchainements PTL-TOR DES GEANTS, il me propose de terminer ensemble, un honneur pour moi.
Je termine, très satisfait et étonné, à la 21ème place toutes catégories et 11ème coureur à pieds mais l’essentiel n’est pas là. Les organisateurs nous promettaient une aventure, je l’ai vécue comme telle et l’envie d’y retourner est déjà présente.